
Avec ce titre, recueil d’histoires savamment reliées - par un fil plus ou moins lâche mais dont on salue le tissage - l’autrice nous parle de son pays, le Mexique. Ou plutôt elle s’adresse directement et furieusement à lui. En mettant en scène des histoires racontées à la première personne par des personnages féminins, l’autrice dézingue une société patriarcale qui violente et tue ses femmes avec acharnement, incapable de leur apporter quelconque secours ou sécurité.
Dahlia DE LA CERDA , dans une langue crue et directe qui ne s’encombre d’aucune velléité diplomatique, nous confronte à un Mexique qui s’accorde ici et pour une fois au féminin. Ses héroïnes, toutes faites de nuances et de paradoxes, non exemptes pour certaines de violence, de superficialité ou de racisme, et quelque soit leur condition sociale, n’en sont pas moins des porte-paroles, des gardiennes d’une réalité étouffée, d’une toile de fond complexe et brutale.
Ces chiennes de garde à la tête haute défendent leurs existences avec rage. Elles éructent, elles reprennent le pouvoir, et parfois même au-delà de la mort elles se vengent. Car Dahlia DE LA CERDA engage son écriture en terrain libre : celui de tous les possibles, celui du rire qui côtoie le drame, celui du parjure et de l’outrage, inversés, retournés contre leurs expéditeurs.
Chiennes de garde est au final un espace de révélation et une incantation faite au sein d’un monde où la réparation est trop lourde pour être encore possible, où le syncrétisme du territoire et la diversité des vies qui s’y déploie deviennent des supports à une nouvelle mythologie, féminine, puissante, hargneuse et digne.
« Le Mexique est un énorme monstre qui dévore les femmes.
Le Mexique est un désert fait de poudre d’os.
Le Mexique est un cimetière de croix roses.
Le Mexique est un pays qui déteste les femmes. »
Une lecture qui fait évidemment écho à l’incontournable Des os dans le désert de Sergio GONZALEZ RODRIGUEZ, enquête sur une immense vague de féminicides au Mexique perpétrés entre 1995 et 2003, republié récemment par les éditions de L'Ogre.
Dahlia DE LA CERDA, Chiennes de garde, 2024, Le Sous-Sol, trad. Lise Belperron