ARTICLES AVEC LE TAG : "Littérature"



"Car qui venait des coins du monde (et les coins du monde étaient nombreux désormais) pour voir au bout d'une route (longue saignée en ligne droite au milieu de la forêt) les peintures de Bonampak ? Des visiteurs de passage : vous, nous, moi. Et à ces visiteurs d'un jour qui achèteraient un petit jaguar en bois, il n'était donné qu'une image. Il n'était donné que le mensonge." Que voit-on de Bonampak ? Que voit-on de ce site archéologique perdu (?) au milieu de la forêt lacandone,...

"Cledy détourna son regard, retint ses larmes et chercha des yeux une fenêtre. Il n'y en avait pas." Toute l'histoire et le procédé narratif de Gagner sa mort pourraient être contenus dans cette simple et unique phrase. Écrit et publié en Argentine en 1976, le pays rebasculant irrémédiablement à cette date dans une dictature militaire (le régime de Videla) qui ne prendra fin qu'en 1983, laissant derrière elle des dizaines de milliers de "disparus", des centres de torture en plein...

photographie : © Lila AKAL "Il suait et jurait. L'humidité, les caquets, l'odeur acide de la terre l'attristaient. L'ironie de la misère le rendait furieux. D'une part, la légende de San Basilio de Palenque, premier village d'esclaves libres d'Amérique ; et d'autre part, voir sa mère sortir, à l'aube, une bassine sur la tête, pour vendre des sucreries aux touristes blancs de Carthagène. Libres mon cul." Entrer en un pays. C'est, une fois refermé Coup de Chaud, premier livre de Laura...

"Je suis dans la section deux. C'est l'unité d'observation pour les cas les plus faciles et, selon le règlement, on ne peut y être admis sans être passé d'abord par la trois. Je ne suis pas passée par la trois et la plupart ici m'en tiennent rigueur." Ainsi débute Notes de l'asile de fous, écrit ou tout du moins finalisé en 1946, où Christine LAVANT [1915-1973] revient sur les conditions de son internement volontaire, à l'hôpital psychiatrique de Klagenfurt onze ans plus tôt, à la...

"Dans la toundra dans le noir, au sein des fusils, lancés en tous sens, Sophia danse. Elle avance et tourillonne à chair perdue, agissante. Ses deux bras fendus en colombe portent un étendard." En réalité, Sophia à elle seule est un étendard. Un symbole perdu. Une vie de papier épaissie par l'écriture délicate, maniériste, si précise qu'elle en devient quasiment abstraite, mais dense, concrète, terrassante, d'Éléonore De DUVE. Sophia est une vie, vue depuis ses contreforts...

"Je passais mes journées seul avec mes graines et mes bulbes, avec mes affaires, et avec mon eucalyptus. La nuit, le vent faisait penser à une voix." Ainsi parle un vieux jardinier, toute sa vie employé d'une grande propriété surplombant la mer à quelques encablures de Barcelone, et qui entreprend ici de dérouler ses souvenirs. Ce vieil homme dont on ne connaîtra jamais le nom, dissimulé dans un "je" discret qui cache une retenue d'une délicatesse absolue, raconte le quotidien, les...

"Tu vois tout, mais tu n’arrives pas à regarder ça dans les yeux. Des peuples et des mondes entiers n’arrêtent pas d’être submergés. Le monstre boiteux, ce cortège infini d’ombres, ce carnaval des misères, farandole d’histoires brisées grossit, s’allonge, flanche, mais repart, toujours plus difforme." Brutus Brutusses est un livre important. De ceux peut-être qui collent le mieux à nos temps présents, leur rendent leur transparence pour y déceler avec acuité la...

"Pendant que je me trouve encore à quatre cents mètres de là, que je reviens à pied vers l'étang, un sac de bouteilles de bière sur l'épaule, je vais vous parler de quelque chose de plus intéressant que le trajet qui suit divers sentiers battus, le long des voies familières du chemin de fer menant au dernier sentier qui finit, ou commence peut-être, de nouveau à l'étang." Avec Mémoires sauvés du vent, Richard BRAUTIGAN offrait au début des années 80 un de ses récits les plus...

"Les aires sont dépourvues de toute ornementation. Le sable passe en lames fines et dures sur les surfaces battues. Celle qui se dit mon guide, Manastabal, marche en avant de moi. Encore heureux qu'on n'ait pas à porter des tuniques pour entreprendre ce voyage tout ensemble classique et profane car elles seraient en un instant arrachées par le vent." En 1985, Monique WITTIG réinvestissait l'espace de La Divine Comédie pour faire traverser à son alter ego littéraire les multiples cercles...

"Tous leurs jeux sont habités par la terreur et le danger. Elles s'abandonnent au drame sans retenue. La vie uniforme et préservée, au sein de la famille, est depuis longtemps ennuyeuse, et tout est permis pour que l'excitation reste intense. La vie est insupportable sans le malheur." Puissance indescriptible et présence indétrônable que celle de l'écriture de Unica ZÜRN. Dans ce texte de 1969 aussi court que tragique, publié par Ypsilon dans une nouvelle traduction signée Lucie...

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