"FAIR-PLAY" & "LE LIVRE D'UN ÉTÉ" - Tove JANSSON

"Tu es injuste quand tu parles de répétitions et quand tu dis que c'est toujours la même chose. D'ailleurs, dans tes nouvelles c'est pareil, c'est le même thème qui revient sans cesse."

Entre la publication du Livre d'un été  et de Fair-Play, il s'est passé 17 ans. Le premier publié en langue originale en 1972 et le second en 1989. L'autrice finlandaise Tove JANSSON, autrement connue comme la créatrice des Moomins, y développe des histoires tout à fait distinctes, sans aucun lien entre elles.  Pourtant, malgré la distance narrative et temporelle qui sépare ces deux œuvres, on ne peut s'empêcher d'y voir un ciment commun, ciment fait d'un regard et d'une écriture à la délicatesse infinie, dont l'étoffe se fait à chaque page plus éclatante.

Unis par une même structure : de courts chapitres qui s'enchaînent pour retracer le quotidien de deux personnages féminins qui vivent ensemble, Le livre d'un été  et Fair-Play  le sont aussi par un même univers : la beauté des grands espaces finlandais, et une même démarche : poser sur le monde environnant un regard qui accorde la même importance aux choses dites insignifiantes qu'à ce que l'on perçoit d'emblée comme les événements de nos vies. Et de ce fait, par le biais de petites touches d'intimités, des instants de quasi rien où des femmes vivent, pensent, ressentent, échangent, s'aiment et se disputent même parfois, en s'approchant au plus près des êtres et de l'existence, faire surgir la manière dont le regard et l'écriture construisent le monde et lui rendent tant sa beauté que sa multitude.

"Les choses importantes surviennent toujours au grand large, et souvent tout n'est qu'une question de temps. Dans l'archipel, il n'arrive que des petites choses, toutes plus ou moins déterminées par les désirs variés des estivants, mais il faut bien s'en occuper aussi."

Avec un talent de conteuse et de dialoguiste indéniable, en toute simplicité, sans faire montre de rien d'autre que d'une grande sensibilité, Tove JANSSON capte l'attention par une capacité unique à voir. Elle est une sincère révélatrice, portée par une manière d'aborder les situations ou les choses qui n'appartient qu'à elle. Plus que tout, c'est son angle d'observation qui subjugue en permanence, unique, sensible, malicieux, bourré d'amour et d'empathie.

"L'île fut gratifiée de tièdes pluies nocturnes. Une masse de rondins passèrent à la dérive aux abords de l'île et furent sauvés. Personne ne venait les voir et il n'y avait pas de courrier. Une orchidée fleurit. Tout était bien et cependant assombri par une profonde mélancolie. C'était un mois d'août instable avec de violents orages et de très belles journées, mais quels que soient les événements, pour grand-mère cela signifiait seulement du temps qui s'ajoutait au temps, puisque tout est vanité et une course après le vent. Le papa travaillait à sa table"

Fair-Play  
et Le Livre d'un été   s'apparentent à des balades pleines de fraîcheur et de découvertes, guidées par la main d'une autrice qui compose un univers où il reste encore de la place à la poésie.

"-Mari, dit Jonna, parfois tu es vraiment trop explicite.

- Ah oui ? Parfois, on doit pouvoir dire des choses inutiles, non ?"


Tove JANSSON, Fair-Play  & Le Livre d'un été , 2019, La Peuplade, trad. Agneta Ségol