"AU CIRQUE" - Patrick DA SILVA

"Nous poserons ce que nous savons. C'est par là que nous commencerons !"

 

Un drame familial, un récit qui commence comme une enquête policière dont le lecteur serait le premier à procéder aux syllogismes, guidé par la logique arithmétique du narrateur. Voilà le point de départ.
Et puis ça déroule, les acteurs entrent en scène. En l'espèce, les quatre enfants. La benjamine, toujours restée dans l'enceinte familiale, plus les deux frères et la sœur aînée, de retour pour rejouer l'acte et comprendre.

"Anamnèse !"


Peu à peu, les pièces de l'échiquier se mettent en place, puis se meuvent et se transforment, car le plateau de jeu n'est pas tant un plan lisse et balisé qu'une faille énorme bordée par un territoire accidenté, glissant à force de saloperies accumulées, de secrets agglomérés.
Les déductions, mathématiques élémentaires, reviennent à la charge, incessamment, se font de plus en plus précises, nous emmènent à la recherche de la solution de l'équation. Les mots, les actions se répètent, sans pour autant repasser par le même chemin. Le texte se fait sinueux, énigmatique, puis d'un coup il est derrière nous, à nous balancer de grands coups sur la nuque.

"C'est une histoire. Elle est écrite depuis les temps immémoriaux ; elle s'écrit à nouveau ; celle-là même, entre quelques autres."

"Au Cirque" est  magnifique de brutalité et d'élégance mêlées. Ça tourne en rond, ça se répète en cercles concentriques, ça creuse puissamment.
La langue est belle, maîtrisée, tendue, la forme ne l'est pas moins. Sans compter sur l'invocation d'un théâtre qui débarque sans prévenir, pour rejouer une comédie humaine grotesque et pernicieuse.

 

Puissant, inspiré, brut et élaboré, le cirque c'est le cœur de l'ouragan, le lieu où tout se cristallise, se fige, pour un énième tour de piste.

Allez, en scène.

"Toujours la même histoire entre deux ou trois autres de la même farine ; histoire de dire les abîmes qui nous traversent, nous aspirent, que l'on fuit, qui nous fondent, cette violence, animale et céleste, qui nous anime, nous agite et nous brûle ; de dire le désir qui nous détruit et sans lequel on est bien pire que mort puisqu'on n'a pas vécu."


Patrick DA SILVA, Au Cirque , 2017, Le Tripode