Un livreur portugais descend de son camion pour une courte halte au beau milieu de la montagne, et s'égare.
Sur son chemin pour retrouver son véhicule apparaît un petit personnage étrange, invisible, fantomatique, mais dont la présence guide à son insu les pas du camionneur... Lesquels vont
le mener doucement vers le cœur vivant de la montagne, et le plonger tout entier dans un environnement splendide, bourré de surprises, où il va se redécouvrir, et laisser progressivement
éclore le faune sensible et heureux tapi au fond de lui...
Autant le dire de suite, La Montagne est un petit chef-d'œuvre, un récit profond, extrêmement inspiré, peuplé d'images et de trouvailles d'une beauté effarante :
la Nature, sa force, la puissance évocatrice qu'elle porte en elle, ses paysages, ses odeurs, toutes sensations qui trouvent un écho dans notre chair, et qui, si on leur en laisse l'occasion,
révèlent un bonheur atavique rattaché au sentiment même d'appartenir au monde, de lui être conjoint.
Voilà tout ce qu'évoque, de façon pourtant très simple et par un mutisme respectueux et ressourçant, La Montagne.
Carmen CHICA et Manuel MARSOL mettent en scène le bonheur ultime d'une balade solitaire loin de la ville, où toute chose vue ou vécue peut être l'occasion d'une forte expérience sensorielle, d'où
se dégage un sentiment de félicité totale.
Exploitant un format vertical très à-propos, Manuel MARSOL déploie un espace coloré fait d'une touche épaisse et mouvementée. Règne de la texture, du détail et des contrastes, l'environnement
sauvage de La Montagne emporte le regard des petits comme des grands, le happe par sa force expressive et la lumière qui s'en dégage. Le tout servi par
un scénario de Carmen CHICA désarmant de simplicité, mais toujours juste et opportun, favorisant une vision fantastique de ressentis quasiment animaux.
Un livre à dévorer en famille, qui initie aux joies du hors piste, cette embardée loin de toute technologie mais aussi de nos habitudes citadines.
À l'heure où l'environnement souffre et subit des attaques de toutes parts, où la globalisation entend faire disparaître la marge, un tel livre est salutaire et rappelle que le bonheur n'est pas
si loin. Dès lors que l'on ouvre les yeux.
Carmen CHICA & Manuel MARSOL, La Montagne , 2018, Les Fourmis Rouges