"UNE NUIT D'ÉTÉ" - Margaux OTHATS

Par une belle nuit d'été, un adolescent disparaît dans un petit village de montagne lors d'une soirée avec des amis. À cette disparition inexplicable et subite succède la recherche immédiate, la battue menée ensuite par tout le village au cœur du bois où les enfants se trouvaient lors de la disparition, et puis, inévitablement, l'enquête de police. Mais personne ne réapparait. L'enfant s'est effacé. Laissant uniquement derrière lui les contours d'une disparition. Pourtant le temps s'écoule, les saisons se succèdent, les existences se poursuivent, et la montagne, immuable, dont aucun drame ne pourrait semble-t-il changer la face, trône encore et toujours, étend ses pentes au-dessus des vies qui se jouent.

Construit comme un pur polar, avec sa disparition introductive et le suivi - de plus en plus distant - de l'enquête, Une Nuit d'été  s'éloigne néanmoins tout à fait du genre policier. Margaux OTHATS manipule les codes du polar avec finesse et habileté, joue avec notre désir de comprendre, et place ainsi son récit sous une tension constante alors même que plus on égrène les pages plus on constate que le but n'est pas tant de résoudre une enquête que de mettre en scène l'absence, et la vie qui recouvre inexorablement la tragédie.

Et à ce jeu il faut avouer que Margaux OTHATS maîtrise son sujet, composant chacune de ses images avec un soin tout particulier, y disposant le paysage, la lumière et les êtres avec un équilibre et une justesse qui ne se dément jamais. La permanence du monde y est rendue éclatante face à l'absence de celui qui disparaît chaque jour un peu plus. Chaque plan intérieur détaille un nombre surprenant d'éléments par rapport à un minimalisme de façade auquel l'on aurait tort de se fier, chaque vue du paysage déploie ses textures dans un dégradé chromatique proche du tie and die, et le regard s'y perd, assailli par les couleurs, la lumière, à la recherche de ce qu'il ne peut trouver. Le temps s'étire, le rythme ondule, chaque image devient signe et énigme.

C'est bien là le tour de force de la dessinatrice/autrice, parvenir à produire un état de contemplation couplé à une attention à la présence. La présence est partout, dans la vie de ce village qui continue sa course autour du soleil, dans la neige qui se dépose au sol l'hiver venu, dans les ondes provoquées par le jet d'un caillou dans l'eau. À l'image de ces ondes, Une Nuit d'été  séquence les échos provoqués par le signal d'une disparition, les pousse loin de l'épicentre, jusqu'à les fondre dans le présent qui n'en finit jamais de se déployer.

Présence et absence jamais aussi à propos que dans un livre où l'image agit seule, débarrassée de toute forme de texte, mais dont l'éloquence se constate à chaque instant.


Margaux OTHATS, Une Nuit d'été, 2019, Magnani